Le Conseil Constitutionnel censure le contrôle des centres de santé.

       Le Conseil Constitutionnel censure et prive l’administration de moyens de contrôle des centres de santé.

 

     Au début était la loi Bachelot, dont les dispositions permettaient à n’importe qui d’ouvrir un centre de santé. Ce n’importe qui devait s’abriter derrière une association à but non lucratif, ce qui était censé garantir la pureté de ses intentions.

 

     Dès le début, Il y avait possibilité d’abus. D’emblée, les centres étaient conventionnés, selon « l’accord national destiné à organiser les relations entre les centres de santé et les caisses d’assurance maladie » (NOR: AFSS1522151V, texte 116 du JO du 30 septembre 2015).

 

     Cette convention prévoit bien des moyens de contrôle de l’activité, et de validation du respect des objectifs prévus au cahier des charges, mais ces moyens sont internes au centre. Une certification externe est bien prévue, mais elle repose sur un rapport établi intra-muros par le centre.

     Or une partie du subventionnement du centre par la sécurité social dépend de ces contrôles ; le financeur n’a de son côté aucun moyen de contrôler ce qui est fait de ses fonds. D’autre subventions sont forfaitaires, et dépendent du nombre de patients répondant à un certain profil (patients en précarité, ou vulnérables…). Par le biais de la télétransmission et de CESAM-Vitale, la CPAM a un certain contrôle sur ce financement. Enfin, la Sécurité Sociale rembourse une partie des cotisations sociales due par le centre pour ses salariés. Sans compter les honoraires des actes réalisés, puisque les centres doivent pratiquer le tiers payant.

 

 

     Les signataires de cette convention étaient des gens de bonne compagnie (Fédération Nationale de l’aide à Domicile, Croix Rouge…) et ces moyens suffisaient à éviter les dérives.

 

      A une époque où les centres de santé municipaux se désengageaient, il y avait un besoin de soins qui n’était pas satisfait, et la création de centres loi Bachelot semblait combler un vide. Et, comme on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, il fallait bien trouver un moyen attractif et peu contraignant de remplacer ces centres municipaux. Mais, les créateurs de ces nouveaux centres n’étaient pas des organisations charitables, et la naïveté des pouvoirs publics est confondante.

 

     En principe, le respect de la déontologie et des règles de bonne conduite était garanti par les Ordres, puisque les contrats de travail des praticiens leurs sont communiqués, et que la justice ordinale peut agir : une dénonciation aboutit à l’Ordre, soit directement, soit par l’intermédiaire de la Sécurité Sociale, de l’ARS, d’une complémentaire santé ou de la justice.

 

     Nous nous sommes gaussés de ces créateurs de centres, qui, sous prétexte de bienfaisance, montaient des opérations immobilières à leur seul profit, en profitant de cette manne financière ; le tout sous couvert d’associations a but non lucratif.

 

 

     En général, les règles déontologiques sont respectées par les praticiens de ces centres « artisanaux »

 

      Mais, il y a les centres « industriels » Des bruits ont couru concernant des appels de fond auprès d’investisseurs étrangers pour ouvrir de nouvelles succursales de réseaux de centres. Des rumeurs circulent comme quoi certains centres oublieraient de communiquer des contrats aux Ordres.

 

     Bref, il n’a pas fallu longtemps pour franchir les bornes, et les scandales n’ont pas tardé ; est-il besoin de rappeler l’affaire Dentexia ? Et d’autres affaires pointent le bout du nez.

 

     Donc, un besoin de contrôle se fait sentir. Les Députés ont voté deux articles de la loi de finance de la Sécurité Sociale, pour permettre le contrôle des centres, les 70 et 71.

Les Sénateurs ont fait remarquer qu’il s’agissait de "cavaliers législatifs", en d’autre termes que leur contenu ne se rapportait pas à l’objet de la loi, le financement de la Sécurité Sociale, et ont refusé le les voter. Les Députés ont passé outre. Et ça n’a pas manqué, l’article 70 a été censuré par le Conseil Constitutionnel, à l’instigation des Sénateurs. Et gageons que les centres de santé trouveront un moyen pour faire censurer par ce même Conseil Constitutionnel l’article 71.

 

 

     Ici, nous sommes en plein débat procédural :

Une loi votée en parlement concerne un sujet précis ; on ne doit pas déposer lors du débat parlementaire d’amendement qui ne se rapporte pas à ce sujet précis ou alors, la loi deviendrait un capharnaüm où personne ne se retrouverait. Cette règle sur les « cavaliers législatifs » est connue, et au besoin rappelée par le Conseil Constitutionnel.

     Lorsqu’un justiciable se trouve lésé par le non respect de cet usage, il peut procéder, pour finir par en appeler au Conseil Constitutionnel. Voici comment cela se passe : il est poursuivi en raison d’une loi ; il plaide, et perd en première instance, puisqu’il enfreint cette loi. Il fait appel, et perd cet appel, pour la même raison. Il se pourvoit alors à son choix en Cassation ou au Conseil d’État, lequel organisme déposera une « question prioritaire de constitutionnalité» auprès du Conseil Constitutionnel.

 

     Cela prend du temps, 2 ou 3 ans. Et c'est autant de temps de gagné pour les contrevenants. 

 

      Cela on le sait.

  • Que les « cavaliers législatifs » sont de mauvaises pratiques juridictionnelles.
  • Qu’il y a des abus dans certains centres.
  • Que les Ordres, les ARS et la Sécurité Sociale sont prêt à jouer leur rôle régulateur.
  • Que régler une « question prioritaire de constitutionnalité » demande du temps.
  • Que discuter et voter une loi sur le contrôle des centres est plus rapide, et plus sûr que de recourir aux « cavaliers ».

     Tout cela, on le sait.

 

       Alors, dans cette affaire, cherche-t-on à protéger les centres délictueux en différant le contrôle par la Sécurité Sociale ?

 

 

  Cette action de censure de l’article 70 du Conseil Constitutionnel, à l’instigation des Sénateurs permettra, nous l ‘espérons, la rédaction d’un nouveau texte de loi s’inspirant des termes de l’article 70 censuré.