Bars à sourire


Une directive européenne réglemente la vente de produits de blanchiment contenant de 0,1 a 6 % de peroxyde d'hydrogène aux chirurgiens dentistes. ; les produits en contenant moins de 0,1 % resteront en vente libre. Ceux en contenant plus de 6 % seront interdits. Les Etats disposeront d'un an pour transposer cette directive dans leur droit respectif.


Depuis peu, en France, de nouvelles officines ont ouvert leur activité, jusque là prohibée sur le territoire national. Il s’agit de ce qu’on appelle ludiquement «Bar à sourire».
Peut-on sans vergogne mettre le sourire en enjeu commercial ?

Vous l’aurez compris, la réponse est non. C’est pourtant le contraire qui arrive. Ces nouveaux bars poussent comme des champignons, devant un public de badauds attirés par curiosité, par caprice, par tocade. Effectivement, tout comme on entre dans un bar, pour s’asseoir au comptoir, on entre ici pour s’allonger sur un divan et prendre sa dose de lumière bleue sur les dents couvertes d’une gouttière porteuse d’un produit « révolutionnaire » qui vous blanchit les dents. Tout devient « convivial », festif, ludique. On vient se faire blanchir les dents comme on prend un verre.

Prendre sa petite dose de lumière pour un sourire éclatant de blancheur équivaut à entrer dans un salon de bronzage aux UV, eux aussi, vendus comme inoffensifs.


Or, cet acte de blanchiment n’est pas plus inoffensif que les UV des salons de bronzage, si décriés actuellement par les campagnes contre le cancer.


Aujourd’hui, ce sont ces marchands de sourire qui nous expliquent que le blanchiment tel qu’ils le pratiquent est inoffensif. Et reste au dentiste, la partie soin, risque, danger. Le Chirurgien-Dentiste en revanche, prescrit un acte clinique après étude du cas.


Inoffensif pour les bars à sourire veut-il dire inefficace ? Mais est-ce bien si inoffensif car la société actuelle demande des résultats ! Pour obtenir ces résultats, ces bars à sourire n’emploiraient-ils pas des substances qui seraient réservées à des professionnels de la santé dentaire, dans un pays qui se veut soucieux avant tout d’un certain progrès social en ce domaine, et qui a établi des normes drastiques pour l’exercice légal de la médecine et de la chirurgie dentaire.

C’est donc l’intérêt commercial qui prévaut aujourd’hui en France sur le souci de la santé de chacun.
Le ver est dans le fruit. Le regard que pose nos concitoyens sur notre profession et son éthique va considérablement changer. Nous ne deviendrions que des vendeurs de santé un peu plus inaccessibles que ces bars à sourire qui s’offrent au tout venant.

Ainsi donc, créer de telles pratiques de l’art dentaire casse tout le travail des générations passées qui ont voulu faire de l’art dentaire une profession médicale avant tout. Avec ces bars à sourire, retournons nous à l’époque des arracheurs de dents sur les places publiques ?

C’est manifestement faire un retour en arrière que de laisser des vendeurs de sourire se charger de « faire plaisir » au passant de la rue. C’est un retour en arrière déshonorant pour notre profession souvent mise à mal par toute une caricature populaire et médiatique.

Tout cela serait encore acceptable si le corps médical, par le Conseil de l’Ordre représenté avait donné son aval. S’il avait reconnu qu’il n’était pas dommageable pour la santé de se faire blanchir les dents en dehors de tout contrôle médical... Tel n’a pas été le cas : et comme il est toujours plus difficile de démonter ce qui se met en place que d’interdire la mise en place et l’accoutumance de pratiques funestes, on peut se demander s’il y aura assez de force de la part du corps médical de tout entreprendre pour fermer définitivement ces bars à sourire.

Claire Bommier
Secrétaire Générale Adjointe